L’imaginaire n’est-il pas le plus beau des refuges, pour venir à bout des démons qui nous hantent ?
En 1864, le petit village d’Illfurth, dans le sud de l’Alsace, fut secoué par de mystérieux phénomènes qui défrayèrent la chronique. Dans la modeste famille Burner, deux jeunes frères, Joseph, 7 ans, et Theobald, 9 ans, se sont soudainement mis à tourner sur eux-mêmes, comme de vraies toupies. Ils s’en prenaient violemment aux meubles, se contorsionnant, convulsant, avant de basculer, des heures durant, dans un tel état de prostration qu’on les croyait morts. Ce mal étrange dura plusieurs années. Impuissante, la médecine ne parvint pas à les soigner et, rapidement, les autorités catholiques déclarèrent les deux enfants possédés par le démon, avant de procéder à leur exorcisme…
Un siècle et demi plus tard, mêlant son histoire personnelle à la sombre légende du village où il a passé son enfance, le comédien et metteur en scène Lionel Lingelser part sur les traces de ses propres démons. À travers le personnage d’Hélios, son alter ego de fiction, il remonte le courant de la mémoire pour affronter, sans faux-semblant, les épisodes de possession qui ont jalonné son parcours. Dans une succession de tableaux, d’allers-retours dans le temps et de fragments de vie entremêlés, il nous livre un récit d’une grâce folle : la métamorphose d’un apprenti comédien, découvrant la puissance salvatrice du théâtre. La scène comme un nouveau royaume, une forteresse inébranlable face aux assauts du réel, où ce jeune homme solaire, pleinement possédé par ses personnages, va peu à peu exorciser ses blessures intimes et se dévêtir d’un passé douloureux, pour cheminer vers la renaissance et la réconciliation.
Avec ce magnifique seul-en-scène, acclamé en France depuis sa création et que nous nous réjouissons d’accueillir pour la première fois en Belgique, Lionel Lingelser nous invite à le suivre dans un voyage initiatique, un récit lumineux de résilience et d’émancipation. Entouré de ses fidèles complices du Munstrum Théâtre, il a confié son histoire intime à l'auteur Yann Verburgh, dont il interprète les mots à la façon d'une expérience cathartique, sidérante de justesse et d'intensité. Traçant une ligne de fuite entre ses traumas, le comédien navigue d’un personnage à l’autre pour transformer le plateau en un territoire de liberté et de reconstruction intime, qu’il arpente corps et âme. Il se met à nu, saute, tombe, se relève, danse, tirant les fils invisibles d’une histoire où les époques se croisent, où le réel et le merveilleux s’entremêlent, et où l’imaginaire devient le plus beau des refuges. Un hommage vibrant à la part d’enfance et d’innocence qui sommeille en nous.