Nos mots pour Moh
Nos pensées vont à Mohamadou Niane, décédé le 17 janvier, à sa famille, à ses ami·es et à toutes les personnes qui le connaissaient. Moh était une personne essentielle et fédératrice de l'équipe technique du Varia depuis une trentaine d'années. Sa disparition soudaine a donné lieu à un recueil de paroles au sein des équipes du Varia, réunies et mises à l’écrit par Jasmina Douieb et Florence Minder. Nous voulions vous partager ce texte qui porte nos souvenirs partagés avec celui dont un seul sourire suffisait à faire notre journée. Nous pensons très fort à toi.
Cher Mohamadou,
Cher Baboy,
Toi, Notre soleil,
Cher Moh,
Je ne sais pas pourquoi je suis sûr que tu es là et que tu nous entends,
je te parle mais sache que je me fais ici le “je” et le “nous” de toute l’équipe du théâtre.
Je veux croire que tu nous entends, je pense que nous avons toutes et tous besoin de le croire.
Nous voilà soudainement orphelins de toi.
Toi,
L’ancre et la fondation du théâtre
Maître des clefs et de la mémoire du Varia,
Moh, notre pilier, tu emportes avec toi une partie de l’âme de ce théâtre que tu portais si fort en toi,
“genre le gars qui mène la barque et sur qui tu comprends vite que, si t’en as besoin, tu peux te reposer.”
Toute personne qui a croisé ta route dira
“Bien sûr Moh ! La force tranquille !”
Moh le rire et le grand sourire ! “
Les “checks” du matin de Moh comme ça fait du bien !
Les trouvailles de Moh pour collecter TOUS les rayons de soleil possibles,
pour trouver un nouveau passage secret qui mène au parc ou déposer discrètement sur une discussion de groupe les photos des fleurs croisées sur le chemin pour illuminer nos journées parce que … nous… on est restés devant nos ordis au lieu d'aller prendre notre pause … au soleil !
En vrai, il n’y a pas assez de mots pour te décrire, Moh.
Nous avons encore besoin de ta présence si précieuse et si réconfortante, de ton humilité, de ton écoute, de ta pudeur et de ta compassion.
Toutes ces choses qui sont en toi de manière si naturelle et si spontanée et c’est ce qui fait de toi un être tellement exceptionnel et rare.
Chaque porte ouverte, chaque guinde, chaque fauteuil, chaque parcelle du plateau nous ramène à ta précision et à ton exigence.
Aux grands monologues théâtraux, tu préférais les phrases courtes et l'efficacité.
Tu bricolais toujours un truc pour nous tous comme un Géo Trouvetou, tu améliorais les espaces, tu parlais aux murs du Varia, une idée à la minute.
Tu disais “il faut aligner les différentes pièces entre elles, et les travailler pour répondre à nos besoins précis. Les tasseaux et les panneaux ne sont pas toujours livrés droits et parfaits,il faut les re travailler.”
Tu rendais droit un truc livré tordu.
Et il n'y a pas que le bois qui est parfois tordu.
Toutes les crises de larmes et les crises d’angoisse que tu as pu calmer
avec une main posée sur une épaule !
Moh, designer d’intérieur et designer de nos intérieurs…
A chaque fois que nous utiliserons ce que tu nous as appris ou ce que tu as construit , nous saurons toujours que ça vient de toi.
Tes mots étaient toujours justes, et on en aurait bien eu besoin aujourd’hui.
Ton aura, ta douceur et ton calme manquent déjà à ce monde, à la respiration de ce théâtre.
Laisse-nous juste un peu le temps de comprendre que nous avons eu la chance de te connaître. Juste le temps de nous aider à passer le cap de cette immense tristesse et de retrouver le sourire en pensant à toi. En pensant à ton regard si profond et tellement chargé de sens.
On ne pourra jamais te rendre tout ce que tu nous a appris, mais on va essayer de cultiver
ta force tranquille pour donner à d’autres ce que tu nous a donné. Nous sommes nourris de ce que tu as semé.
Tu es l’un des grands artisans de l’Esprit Varia dont nous sommes fiers.
Il nous appartient maintenant de nourrir et d’alimenter cet esprit, cet héritage immatériel mais O combien précieux.
Merci Moh. Merci d’avoir accueilli chaque artiste, chaque personne qui mettait le pied au Varia qu’elle soit là depuis 20 ans ou depuis 10 minutes.
Merci de ta profonde tendresse.
Tu nous disais
“ Les frontières et les pays sont une insulte au monde. Le monde entier est chez moi, le monde entier est chez toi aussi, il est à nous tous, nous ne sommes pas étrangers, nulle part. “
Laisse-nous le temps d’apprendre à notre tour à être généreux, à ne pas vouloir te garder absolument peut-être un peu égoïstement et à te laisser poursuivre ta route. Le temps de comprendre et d’accepter que nous sommes des passagers, que ton voyage continue sans nous, et que tu es certainement très bien entouré, il ne peut en être autrement.
Laisse-nous voyager avec toi pour ton prochain départ au Sénégal, à ta Lumière retrouvée
Laisse-nous rêver avec toi comme nous rêvions avec toi à la maison du bonheur que tu as construite là-bas, celle que tu nous montrais en photos avec toujours 36 000 personnes, toutes générations confondues.
Tout le monde a besoin d'un Moh près de soi et le nôtre va beaucoup nous manquer.
Il est difficile de te dire au revoir au cœur de cet hiver.
On voudrait couper l'hiver, on lèverait notre index et notre majeur et on dirait: “ on coupe l'hiver ».
On regarderait par la porte de l'entrée des artistes pour voir si tu en sors.
On surveillerait toujours cette porte, juste au cas où ….
Je me dis que nous aurons peut-être l’occasion de nous croiser et d’échanger, de prendre un thé, un café ou une Orval.
Un de tes regards bienveillants me suffira.
Merci Moh, merci pour les paillettes dans la vie,
Merci d’avoir été un grand frère de coeur pour beaucoup d’entre nous.
Tu restes notre soleil qui rayonnait toujours et qui rayonne pour toujours,
Toute personne passée par le Varia a une empreinte de toi dans son coeur.
Et désormais il y a des milliers de petits Moh dans des milliers de coeurs.