"Le spectacle convie la douceur et la vulnérabilité comme espace d’alternativité."
Interview de Lorena Spindler au sujet de sa création "I'll be there for you (for me)".
Lorena Spindler est une artiste hybride de la scène bruxelloise, trouvant l’une de ses inspirations dans les phénomènes sociologiques actuels. I’ll be there for you (for me) est présenté cette saison à l’atelier210, en partenariat avec le Varia. Propos recueillis par Sophie Thomine.
"La malice et l’humour sont mes codes de communication préférés, j’aime bien quand on s’amuse"
Peux-tu nous expliquer le choix de ce titre ?
I’ll be there for you (for me) condense l’état d’esprit du spectacle. Une espièglerie qui raconterait l’envie d’être là pour l’autre, à condition que la personne soit là pour nous... Plus largement, le titre renvoie au questionnement central du spectacle, la complexité de faire commun quand tout nous pousse à individualiser.
Ta création est-elle une recherche de douceur et une ode à la vulnérabilité face au monde capitaliste dans lequel nous vivons actuellement ?
Idéalement, oui, on serait dans un monde où la coexistence fonctionnerait autrement. Le spectacle convie la douceur et la vulnérabilité comme espace d’alternativité. Malheureusement le spectacle prend aussi en compte la réalité actuelle et sa brutalité. Je questionne également la violence du care, l’hypervulnérabilisation du système capitaliste, la réappropriation et l’instrumentalisation de l’empathie...
Il y a aussi beaucoup d'humour, tu reprends les codes des réseaux sociaux et de certains jeux vidéos que beaucoup d'entre-nous utilisons, est-ce une invitation à l'autocritique ?
La malice et l’humour sont mes codes de communication préférés, j’aime bien quand on s’amuse, autant du côté du public que des performeurxeuses. Les espaces virtuels les plus mainstream appartiennent à des structures oppressives, et pourtant, arrivent encore à y émerger des formes de résistance, des communautés et des contre-cultures. Le spectacle est construit de cette même manière, à partir de l’intérieur du système, là où nous sommes touxtes, à des endroits très différents en fonction de notre situation au monde. On verra bien si, collectivement, nous continuerons à être utilisateurxices ou non.
Quelles sont tes influences chorégraphiques ?
Au niveau de l’espace scénique, je suis inspirée par les choses banales que je vois autour de moi dans la ville, comme l’architecture hostile dans laquelle on vit, les centres commerciaux, les salles de sport... et toutes les résistances qui s’y infiltrent, comme une marelle dessinée à la craie sur un trottoir. Au niveau chorégraphique, je suis aussi pas mal influencée par la photographie, les publicités ou les clips avec lesquels j’ai grandi.
"Tout le travail fonctionne par des mécanismes d’écoute et de complicité."
Comment transposes-tu en langage chorégraphique nos ambiguïtés et nos conflits intérieurs face au système dans lequel nous vivons ?
Un mouvement chargé d’une pensée, comme un élan d’affection, de peur ou de colère est visible, je pense. Les danseurxeuses “jouent” leur danse et se l’adressent pour raconter une histoire. C’est une recherche de connexion, fragile, qui passe par le corps et aussi par le regard. Tout le travail fonctionne par des mécanismes d’écoute et de complicité. Et puis narrativement, aels ont des appuis créatifs et techniques comme la vidéo, le dialogue, la scénographie et la lumière pour transposer des ruptures et faire avancer le récit.
Est-ce qu’on peut comprendre ce spectacle si on est pas sur Insta et TikTok ?
Je pense qu'il n'y a zéro souci à ce niveau-là, je ne suis pas une personne jeune, j'ai 30 ans, et j'utilise des esthétiques presque vieillottes d'une culture internet et vidéo plutôt MSN, Skyblog et VHS. Par contre, le spectacle cherche à hyperstimuler pour donner trop d’infos et que les personnes reviennent (mais ça c’est une stratégie marketing).